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Chapitre 4 : Petite Rivière
Moussy
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AAAAAAAAAAAAAAA
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Moussy
Ven 19 Avr - 15:34
Tu t'avances dans la brume. Une brume comme sans fin. La brume qui ne peut se disperser que quand retentit le rugissement du lion. Le rugissement sorti du tréfonds des ténèbres. Ce rugissement sorti des abysses de l'âme de l'animal qui le cri à s'en arracher mes poumons. Ce rugissement que tu n'as jamais poussé. Le voile est blanc. Épais. Du moins c'est ainsi qu'est censé être un voile normal. Celui-ci est noir de jais. Noir comme les ténèbres qui dévorent ton âme. Avec des éclairs rouges. Ceux de ton propre sang. L'essence de ta propre existence que tu t'acharnes à réduire à néant. A la jeter avec violence et brutalité sur le sol de la forêt. Un sol imprégné de sang. Sang félin. Canidé. Rongeur. Pachydermique. Équestre. Peu importe d'où vient de sang. Il est là et il hante les lieux. Il hante une apprentie guérisseuse. Ce sang déversé par litres durant des siècles. Combien de cadavres ont gît là où le camps du vent se tient avant que vous ne venez fouler ces terres ?

La brume du cauchemar t'aveugle.

La minuscule goutte de sang tombe dans l'océan.

Tu continues d'avancer sans t'arrêter dans tes propres ténèbres.

La minuscule goutte se désagrège. Se dilate. Se déforme. Rougie le dieu océanique. Elle grandit. Grandit. Grandit encore. Puis elle se répand. Le miséreux océan croupit.

Ton mur mentale s'effondre sur lui même et tu sombres avec lui. L'évolution est toujours la même : tu finis par dévaler l'escalier que tu avais si durement créé. Escalier d'un reflet de toi même. Un escalier sous forme de miroir.

La minuscule goutte devient un océan de gouttes. Dieu océanique devient rouge. Illusionniste. Pervers. Cruel. Perfide. Le tout puissant s'engorge sur lui même et s'assombrit. S'assombrit. S'assombrit. Il se noie en se noyant lui même. Il se noie dan l'illusion qu'il a lui même créée. Qu'il est doué ce putain d'océan quand même.

Première lune.

Ta compagne est morte. Elle s'est envolée. Elle t'a abandonné. Toi jeune guerrier depuis à peine quelques lunes. Elle a une fille. Elle te l'a laissée. Tu n'es pas prêt. Tu ne veux pas d'un putain de gosse. Tu veux qu'on te foute la paix avec la veillée. Avec sa vie. Avec la relation obscène qu'elle a eu et avec le guérisseur et avec son apprenti, qui en plus était un fils de solitaires un poil turbulent. Et elle t'a un poil abandonné avec un putain de morveux sur les bras.

La chatonne doit se retrouver seule dans la pouponnière. Mais elle est trop terrifiée pour rester seule. Tu passes la nuit avec elle. La petite se pelotonne contre ta fourrure et y engouffre son museau. Bon dieu qu'elle tremble. Bon dieu qu'elle semble fragile. Bon dieu qu'elle semble en souffrance. Bon ? Connard plutôt. Connard de clan des étoiles de lui avoir refourgué une tête pareille. C'est pas ta faute. C'est pas ta faute à TOI, t'es pas son père toi. T'es que le remplaçant. Un putain de remplaçant.

La petite n'a même pas de nom. Les reines te disent que c'est toi qui doit lui trouver son nom. Tu ne les regardes même pas. Tu regardes dehors. La forêt. Toujours la forêt. La forêt. Que la forêt. Juste la forêt. Jusqu'à ce qu'elle s'insémine dans ton ADN. Jusqu'à ce qu'il n'y ai qu'elle et rien qu'elle. Elle et elle seule. Puis tu regardes la forme immobile contre toi. On dirait une proie déjà achevée alors qu'elle n'est même pas nommée. Alors qu'elle n'existe même pas. Et dire que c'est cette misérable petite vie, fragile comme une feuille en hiver, qu'on ta mit entre les pattes. Ils n'aimaient pas Douce Huile. Ils ne t'aiment pas non plus. Alors ils n'aiment pas non plus l'enfant de la guerrière déchue et de son merveilleux guérisseur suicidé. Qu'ils aillent se faire foutre. Un gosse de cet âge a pas à subir leur courroux. Cette putain de gamine va bien survivre. Elle sera forte putain. Elle sera à elle seule le nom de ses parents. Nan, elle sera mieux que ça cette putain de mioche, elle sera tout ce qu'ils n'ont pas été.

Rivière. Petite Rivière. Ca va être ça, son putain de nom. Parce que l'eau d'une rivière c'est pas celle d'un océan, ni de l'huile. Parce qu'une putain de rivière, tu y trouves de la mousse. Comme le nom de son défunt, de putain, de père. Ahah cette bande de connards incapables seront choqués de voir ce que cette gosse va devenir, à elle seule. Ouais, toute seule. Sans toi. Elever un morveux c'est pas pour toi. Surtout pas pour une Petite Rivière. Un morveux pareil ne mérite pas de finir comme toi. A vouloir t'autodétruire. Oui. Tu peux l'abandonner. Mais où ? A qui tu peux la laisser, pour être sûre qu'elle devienne non pas ce qu'elle était censé devenir mais ce qu'elle veut devenir. Cette putain de gosse pas pour toi.

Tu la vois qui souffle. Qui se retourne. Qui se cache plus profondément dans ta chaleur. Chaleur qui lui est émotionnellement impossible. Ta chaleur à toi. Ta chaleur émotionnelle. Là contre toi. Tout contre toi. Elle est trop fragile putain, pourquoi on te l'a mise dans les pattes ? Pourquoi est-ce que cette reine a-t-elle si peu de responsabilité qu'elle t'a laissé un enfant à TOI ? La boule de poil remue. S'enfuie encore un peu dans ta fourrure à la recherche de seul son père sait quoi. A la recherche de ce que n'importe qui, mais pas toi, peut savoir. Souffle rapide. Rauque. Elle cauchemarde. Que ferait ta mère ? Que ferait Mikinyana ?

Tu enlaces un si petit corps avec ta queue. Le petit être se calme. Elle plante ses griffes dans ta peau. Tu lui lèches les oreilles. Elle frémit et resserre encore ses griffes dans ta chaire. De minuscules gouttes rouges perlent sur ta robe blanche de neige. Tes muscles se raidissent. Son emprise sur toi se resserre. Physiquement et mentalement. Elle s'insémine dans ton esprit comme un ver. Si petite. Si petite bordel de merde. Comment un être si petit et si jeune peut se faire autant de mal à lui même ?

Tu remues. Cela semble déclencher dehors un coup de tonnerre. Uniquement dans vos têtes. Dehors la lune trône en maître absolu. L'animal blotti contre toi se fige. Elle a même cessé de respirer. Tu sens son coeur s'emballer cependant. Tu remues la petite forme du bout du museau rageusement. "Hey respire putain !" Mais la chatonne se fige plus encore contre toi, comme si elle voulait t'arracher la peau alors que tu essayes de l'arracher à sa douleur. Tu t'énerves. La forme se crispe plus encore, plongeant ses minuscules griffes dans ta peau avec autant de douleur qu'elle t'en profère. Douleur intense et sanglante.

La goutte tombe. Se désagrège. Se dilate. Se déforme. Rougie ton pelage. Devient océan. Mais cette fois, ce n'est pas toi qui t'effondres. C'est elle. C'est sa peur qui se déverse par fines gouttelettes sur ta fourrure hérissée.

Tu te figes. Tu poses délicatement ton museau contre le sien. Et tu ne bouges plus. Tu respires. Tu contrôles. Tu contrôles. Tu contrôles.

Elle expire dans un faible gémissement terrifié. Tu as posé délicatement ton museau contre le sien. Et elle a recommencé à bouger. Tu respires. Elle t'écoute. Tu contrôles. Elle finit par respirer, à court d'air. Elle finit par se calmer. Juste là contre toi. Elle, c'est Petite Rivière. Oui. C'est ça son nom. Ce nom que tu lui as donné. T'as fais au moins une chose de bien dans ta vie. Elle est fragile putain.. Cette Petite Rivière. Qu'est-ce qu'elle est fragile.

Qu'est-ce qu'elle est fragile putain. Cette gosse.

Seconde lune.
Petite Rivière refuse de manger. Petite Rivière refuse de te quitter d'une semelle. Petite Rivière a peur. Petite Rivière reste muette quand on lui parle. Petite Rivière s'accroche si elle se sent abandonnée. Elle s'accroche comme si sa vie ne dépendait. Elle enfonce ses griffes dans ta peau. eTujours dans les mêmes endroits. Devenus depuis le temps insensibles à la douleur. Insensibles à la vue du sang qui s'échappait de manière.. Plus ou moins abondante parfois.

Petite Rivière parle.. Se parle à elle même. Qu'elle est frêle. Qu'elle est pathétique. Elle enfonce encore un peu plus ses griffes. Tu as l'impression que c'est ce qu'on lui a demandé. Là dedans. Dans sa drôle de tête. Plus elle enfonce ses griffes dans ta peau, plus elle tremble. Plus ta peau caresser ses griffes, plus la douleur est transmise. Plus ses voix semblent satisfaites. La douleur te fait du bien. Tu la laisses faire. Il vaut peut-être mieux qu'elle fasse saigner un guerrier dans la force de l'âge plutôt que sa misérable petite carcasse.

Parfois, tu peux voir un éclair de lucidité dans ses yeux embrumés par une sorte de drogue très puissante. Parfois, tu peux voir dans ses yeux bleus claire qui ne sont décidément pas ceux de sa mère qu'elle te voit. Mais ce qu'elle voit de toi te semble vraiment.. Vraiment beau. Tu sens un éclaire de peur te transpercer en sentant les chaînes de la chatonne se resserrer autour de toi. Autour de toi. Rien que toi. Tu fais partis de son petit monde. Dans ces moments là.

Son physique est atypique. Tu revois le visage d'enfant de Douce Huile.. Balayé par ce visage là. Tu vois ses yeux verts. Sa fourrure courte. Douce. A la couleur imparfaite. Et tu la vois elle. Cette petite "lui". Ce "lui" que tu n'as jamais connu. Cette petite chatonne là. Près de toi. Non. Contre toi. Ce visage qui peut être et déformé par la peur et la douleur, et illuminé d'un sourire d'enfant et d'admiration. Dans son monde à elle. Tu es dans sa lumière. Toi, ta fourrure blanche courte et tes yeux ambrés. Toi et ta musculature imposante, même par ta petite taille. Toi et ta ruse faussement impulsive.

Elle et sa fourrure noire. Sa dense fourrure noire comme du jais. Une couleur noire parfaite. Plus parfaite que le noir d'un ciel de minuit. Sans la moindre étoile pour polluer ce ciel de cauchemars. Elle et ses yeux d'un bleu pâle splendide. Elle et sa taille si petite, si frêle. Si horriblement maigre. Elle qui refuse de manger. Elle qui refuse de parler sauf à elle même.

Qu'est-ce qu'elle est belle. Cette Petite Rivière.

Troisième lune. Dernière Lune.

Pourquoi tu as l'air si triste ?

Les premiers mots qu'elle t'a dit. Tandis que tu observais les autres se lamenter sur la tombe de Douce Huile alors que tu n'y est même pas allé pour la veillée.

Je ne le suis pas.

Répondis-tu d'un ton las. Comme si elle n'avait fait que parler dans un de ses éternels délires psychotiques.

Le chat qui vient me voir dans mes rêves il a l'air comme toi. Et lui il est toujours très triste.

Miaula-t-elle en se débattant pour regarder son père adoptif dans les yeux. Paire d'une couleur sans vie qui la fuyait autant qu'ils échappaient à toute attache dans un monde qu'il se complétait à tenter de détruire. Utilisant son propre corps comme grenade. Tes yeux sans vie qui la fuient autant qu'ils échappaient à toute attache dans un monde que tu te complaisais à tenter de détruire.

Mais j'ai un cœur de pierre et je doute avoir une quelconque âme.

Répondis-tu d'un air détaché. Ce à quoi l'enfant répondit avec autant de détachement que toi.

Mais le cœur qui bat dans ta poitrine, lui il est bien là. Et ton cerveau aussi. Il carbure et se torture tout seul. Bien que ton esprit se soit apparemment gelé. Tu restes méchant, hypocrite et égoïste. et ces deux là, s'arrêteront un jour. Peut-être que TU les feras s'arrêter volontairement.

Tu as instantanément fait le rapprochement avec la mort du véritable père de l'enfant.

Qu'est-ce qu'elle est sage. Ta Petite Rivière.

Elle est tout ce que t'as fais de bien de toute ta putain de vie. Et tu veux détruire ça ? Oui. Parce qu'ils lui rendent bien, sa bonne action. A faire ce qu'ils font avec sa sublime petite tête. Elle est quand même épatante cette gosse. Dans sa lucidité. Elle déborde tellement de.. Lucidité. Pas étonnant qu'elle ai fini apprentie guérisseuse. Condamnée à ne jamais avoir de gosse. Ca tombe bien, techniquement. Ca fait moins de sales petits cons à écarter de la fragile chatonne.

*

Dame souffrance s'éveille. Sa victime entre ses griffes se tortille. Petite Rivière, tel le papillon piégé de la toile de l'araignée, se débat sans jamais avoir l'espoir de sortir de là. Elle est née dans cette même toile d'araignée qui n'a cessé d'évoluer. Qui évolue en réalité à chaque seconde. A chaque instant. Elle se dilate, se rétracte, s'intensifie, se fragmente, se fait tranchante, oppressante, cassante.

Wake me up !

La petite fille essaye de se réveiller. Le petit papillon s'agite dans sa toile.

I can't wake up !

Mais elle n'y arrive pas. Le rêve la piège.

Save me !

Elle appel à l'aide. Mais elle ne voit rien. Elle n'entend rien. Elle ne reçoit pas de réponse. Elle sent sa fin approcher. Elle a peur. Elle a si peur. Elle se cache dans l'ombre qui la surplombe. Elle ne pleure pas. Pleurer ne sert à rien. Ca ne fait même pas saigner ses plaies sèches et béantes. Ses plaies infectées. Petite Rivière se met à hurler. Elle appelle à l'aide. Elle appelle quelqu'un. N'importe qui. N'importe quoi. Qu'on la sorte de ce cauchemar. Elle ne voit rien de ce qu'il y a dehors. Ce n'est qu'un grand cauchemar entrecoupé de ce visage, ce visage blanc qui s'offre à ses yeux parfois.

Elle veut voir ce visage. Elle pense qu'il est venu pour elle. Rien que pour elle. Rien que pour la sauver. Oui la sauver. La sauver de peu importe quoi. Quoi que ce soit, ça la consume comme une flamme dans des eaux troubles.

Mais c'est comme si cette flamme immergée n'était pas dans de l'eau mais dans la fumée d'un gaz toxique.. Même explosif. Elle continue d'appeler à l'aide. Mais personne ne l'entend, personne ne la voit, elle crie plus fort encore, mais personne ne l'entend. Elle se sent tomber. Elle se sent prise en otage par sa propre douleur. Elle se sent mal. Si mal. Alors elle se met à hurler. D'une voix désarticulée et sans grand sens. Elle ne hurle plus pour avoir de l'aide, ni pour qu'on l'entendetréfond soulager sa douleur, elle hurle simplement comme un animal sauvage. Un beuglement qui n'a rien d'animal. Qui sort du tréfonds de ses tripes. Un mélange de désespoir, de douleur. Puis, tout en hurlant, elle heurte le sol. Avec une violence improbable. Elle se serait coeuré les os, si ça n'avait pas été qu'une abominable hallucination. Elle a senti une onde glacée lui traverser le corps, son cœur a manqué un battement, son hurlement a manqué un temps. Puis il reprend. Augmentant ses décibels.

Elle essaye de se lever, tout en hurlant. Mais elle n'y arrive pas. Elle hurle si fort qu'elle ne s'entend plus. Qu'elle n'entend plus rien. Qu'elle pourrait cracher ses poumons sur ce sol noir de ténèbres. Elle pourrait y vomir ses boyaux. Avec toute sa détresse. Petite Rivière hurle, continue d'hurler, d'une voix qui n'a toujours rien d'animal. Les os de sa mâchoire se tordent et se brise. Sa colonne vertébrale se courbe sous l'effet du hurlement salvateur. Elle se brise aussi. Elle finit sur le sol. Incapable de bouger, si non hurler, transie de douleur. Transie de peur.

Tandis qu'elle éperdue son cri désespéré, elle aperçoit le visage. Le visage rien que pour elle. Il plonge avec elle vers les ténèbres. Elle continue de hurler. Elle ne peut faire que ça. Hurler à s'en déchirer les cordes vocales. Même si sa mâchoire s'est déjà débloquée. Sa voix se perd dans un essoufflement et une irritation accablante. Mais elle continue d'évacuer une incommensurable densité d'air par cette trachée, dépourvue de son. Et Petite Rivière s'écroule sous son propre poids, le sol était noir, il était froid, il était terrifiant. Mais c qu'il y a sous elle, c'est encore plus effrayant : le vide. Un vide infini et puissant.

Bonjour. Petite Rivière.

Ce n'était pas la voix rien que pour elle. S'en était une autre. Une voix bienveillante. Une voix qui a déjà sombré, et plus bas qu'elle. Petite Rivière lève la tête. Elle cesse de hurler. Elle sens toujours ses membres. Elle sent toujours ses os. Elle est en suspend dans le vide, en suspend dans un cauchemar.

Elle s'était reconnue dans ce nom là : Petite Rivière.

Bonjour.

Murmura-t-elle tout doucement. Découvrant un nouveau mot. Et sa signification. La phrase Quand on rencontre quelqu'un, on lui dit bonjour. S'imprima dans son disque dur encore vierge.

C'est bien, tu es forte. Ton esprit se meurtri mais ta voix reste douce.

Elle remarque que cette voix, qui n'était pas celle rien que pour elle, n'était pas qu'une voix. Elle était juste là. La suspendant dans sa chute. Juste là. Contre elle, à murmurer à son oreille avec fierté et désolation.

Vous êtes triste.

La forme là tout contre elle eut un soubresaut. Elle reconnu cela comme étant un rire. Ce n'était pas comme la voix rien que pour elle. Lui, ne palpitait pas. Lui, il lui ressemblait. La voix rien que pour elle aussi. Mais pas aussi distinctement. Cette silhouette, elle même et la voix rien que pour elle était des personnes. Elle en avait conscience. Même si elle ne connaissait même pas encore ce que voulait dire exactement ce mot. Elle ne le connaissait même probablement pas. Elle n'avait pas de vocabulaire. Ou presque.

Petite Rivière, elle, avait apprit le pronom "Vous" lors de l'un de ces rares moments d'éveils. Grâce à la voix rien que pour elle. "Vous allez dégager d'ici oui ?! Vous voyez bien que vous lui faites peur !" Elle n'avait pas compris qu'il y avait plusieurs personnes. Petite Rivière n'avait réussi qu'à entendre la voix rien que pour elle. Elle n'avait même pas réussi à ouvrir ses petits yeux. Son petit monde s'arrêtait à cette voix rien que pour elle.

Sais-tu qui je suis, mon enfant ?

Elle ne savait pas. Et elle ne voulait pas parler. Elle voulait écouter. Et sentir. Comme le faisait la voix rien que pour elle. Alors elle écouta. Et senti.

Mon nom est Mousse du Secret. Je suis là pour t'aider.

— Mousse du Secret, vous êtes une personne ?

Demanda Petite Rivière en regardant cette forme sombre. Noir comme du jais. Elle identifia une paire d'yeux. Pas ambrés. Eux. Eux, les siens, ils étaient bleus pâle. Violacés. Comme parfois quand elle regardait le ciel.

Je ne suis plus vraiment une personne.

— En suis-je une, moi ?

— Oui, tu es une personne. Qui a besoin d'aide.


Elle ne se sentait pas en danger. Là. Maintenant.

Me protéger ?

— C'est cela.


Sa voix était très différente de la voix rien que pour elle. Ils parlaient autant, mais pas de la même façon. C'était pareil. Mais ce n'était pas vraiment pareil. Dans cette voix là, il y avait un desir profond et impressionnant. Une prestance que Petite Rivière ne comprenait pas. Comme son désire. Son désire de la protéger. La voix rien que pour elle voulait qu'elle soit forte. Qu'elle vienne à lui.

Et la voix rien que pour moi ?

— Lui, c'est une personne. Une vraie. Il s'appel Embrasement des Flocons.


Petite Rivière se met sur le dos pour voir Mousse du Secret. Pour voir son visage. Son visage triste.

Embrasement des Flocons.

Répète-t-elle. Avec douceur et calme. Le chaton le plus calme qui puisse exister. Penser que la voix rien que pour elle était en réalité une personne, là en dehors de son petit univers perdu la remplie de bonheur. Un bonheur singulier et omniprésent. Si bien que les couleurs apparurent autour d'elle.

Mousse du Secret sourit.

Nous sommes tes pères. Nous sommes ceux qui t'aimons le plus. Ceux qui ne t'abandonneront jamais. Je te protégerai, et Embrasement des Flocons va être celui qui va te rendre forte. Lui, il va t'aime plus que tu ne le verras toi même. Ta mère et moi, nous t'avons simplement donné la vie. Et abandonnée. Lui, il va t'élever. T'élever si haut que tout le monde t'aimera, te respectera.

Elle ne comprenait pas bien ses mots. Elle venait d'apprendre bien des mots, et nombre d'entre eux étaient pour elle fantômes. Sans le moindre sens.

Mais le temps de l'ombre s’abrégea. Et Mousse du Secret disparu petit à petit.

Tandis que le sol se dérobait sous ses pattes à nouveau, maintenant que cet instant de gel temporel était terminé, Mousse du Secret posa ses pattes sur les siennes, tentant de la retenir. De la protéger.

Sois forte.

Miaula-t-il alors que la panique envahissait Petite Rivière avec fulgurance.

Non, non ne pars pas, Mousse du Secret ! Ne pars pas ! NON ! S'IL TE PLAIS NON !

Hurla-t-elle les yeux si écarquillés qu'on y voyait ce qu'elle apprendra être une sclérotique.

Tu peux nous appeler Papa.

Miaula-t-il avant de vraiment disparaître.

Laissant Petite Rivière revenir à son enfer. Elle tomba. À nouveau. Elle hurla. À nouveau. Petite Rivière sombra en chute libre dans un cauchemar semblant sans fond. Elle sembla oublier. Elle sembla perdre le contrôle. Comme elle avait perdu le contrôle sous ses pattes. Elle sentait son monde en colère. Elle sentait son monde inquiet. Elle sentait son monde désespéré. Elle se sentait désespérée. Elle se sentait en plein cauchemar.

« Hey, respire putain ! »

Cette phrase traversa son petit monde dans un éclaire soudain. C'était la voix rien que pour elle. La personne rien que pour elle. Un coup de tonnerre qui s'abattait sur sa tête. Cette fois, ma terreur de tonnerre s'empara de son corps tout entier. Et des flammes ardentes l’assaillirent jusqu'à ce qu'elle succombe. Petite Rivière, à bout de force, se mise à pleurer. Le souffle coupé.

Sa décadence s'accélère, et ne cessa de s'étendre. La douleur lui arracha un nouveau hurlement. Elle s'époumona plus fort que jamais. Éprise de sa douleur. Éprise de sa chute. Éprise de sa peur. Appelant la personne rien que pour elle. Pourrait-t-elle sortir de ce lieu ? Pourrait-t-elle retrouver la personne rien que pour elle ?

Elle pensa au doré des yeux qu'elle avait vu. Au blanc de ses poils. À sa grande taille. Qu'elle avait vu une fois lorsqu'elle avait ouvert les yeux. Était-ce la personne rien que pour elle ? Maintenant, elle en était persuadée. C'était la personne rien que pour elle. C'était Embrasement des Flocons.

C'est là qu'elle sentit contre son museau le sien. Un museau très grand. Vraiment très grand. Elle se sentit en sécurité. Elle se sentie forte. Elle se sentit tirée de son vide. Tirée avec rage et hargne. Et détermination. La détermination de la sortir de là. Pas de la protéger. Juste de la voir. De la voir grandir. De la voir s'épanouir.

Et au lieu que deux pattes ne se posent sur les siennes pour la retenir, ce sont des crocs qui s'enfoncèrent dans la peau de son cou pour la ramener à la surface. Le museau contre le sien resta. Figé. Complètement figé. Et Petite Rivière ouvrit les yeux. Comme loin de son cauchemar. Dans son univers de couleurs. Une couleur qu'elle venait de découvrir pour de bon, se montra prédominante : le blanc.
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